Chapitre 2 : Retrouvailles avec Victor 

 

  Mercredi 14 avril : envol pour Nijni

 

  Jeudi 15 avril 

9h00 : retrouvailles avec Julia et départ pour l’orphelinat. Il fait 4°C et les routes ne sont plus enneigées.

Nous sommes reçus par la Directrice, une femme très souriante qui nous accueille dans une grande pièce ensoleillée où on nous offre du café et des gâteaux. Elle part chercher Victor. Nous l’entendons arriver au loin et quand il me voit du bout du couloir, il court, il court et se jette dans mes bras et enfouit sa tête dans mon cou. Nous restons un long moment ainsi, j’essaye de retenir mes larmes. Tout le monde est ému. Il tend ensuite les bras à B.

                                  

Nous lui sortons une petite voiture et des Smarties qu’il distribue à chacun de nous . Nous le trouvons amaigri mais toujours aussi souriant. Je lui montre un message vidéo d’Elisa où elle dit : « Priviet Stacik, Minia Zavout Elisa, Ia tvaya siestra ». Il rigole et demande à le revoir. Nous faisons un dessin avec lui. Il fait des jambes interminables à son papa.

Au moment de partir, Julia lui explique que papa et maman vont bientôt venir le chercher. On y est !

  Vendredi 16 avril 

11h30 : RDV avec Julia et Danil pour une répétition de ce qu’il faudra dire à la juge. Nous avons une liste de tous les points que nous aurons à aborder. Julia redoute une non exécution provisoire du jugement car Victor est en trop bonne santé. Nous devons donc demander cette exécution à la juge en l’argumentant par une forte odeur de peinture dans l’orphelinat suite à des travaux, beaucoup d’infections virales chez les autres enfants qui pourraient contaminer Victor, chauffage défaillant et pas d’eau chaude...

Notre jugement est prévu à 14h00. Nous ne rentrons qu’à 14h30 car on ne trouve pas de procureur. Une femme arrive finalement sans même une feuille de papier pour prendre des notes.

Il y a donc : la juge, la procureur, la greffière, l’inspectrice de le DDASS, Danil (le traducteur), B, moi et enfin Julia au fond de la salle.

B. fait un excellent monologue, suivi d’une vingtaine de questions de la juge. Quand il raconte nos rencontres avec Victor, il est gagné par l’émotion et reste au moins trois minutes sans pouvoir parler. Tout le monde est ému.

Mon récit est beaucoup plus court et je n’ai pratiquement pas de questions. L’inspectrice de la DDASS s’exprime à son tour : elle pleure également en racontant nos extraordinaires retrouvailles où Stacik m’a sauté dans les bras alors qu’il n’avait pas du tout été préparé à nous voir.

La procureur n’a pas de questions et demande également l’exécution provisoire (fait assez rare).

Nous nous retirons 5 minutes pour délibération. Nous sommes anxieux.

Nous rentrons pour entendre prononcer que nous sommes les parents de Victor Stanislav Klimin et que l’exécution est immédiate.

Tout le monde s’embrasse, pleure, rit.

Nous offrons des chocolats et un stylo à la juge qui nous souhaite beaucoup de bonheur avec Victor.

Nous récupérons nos papiers ½ heure plus tard.

  Samedi 17 avril 

9h00. Julia nous amène faire des courses pour l’orphelinat pour fêter l’adoption de Victor : des gâteaux très crémeux, du vin, des jus de fruit et des bonbons.

Julia a acheté un ordinateur + une imprimante en notre nom.

Nous nous retrouvons dans la même salle qu’il y a deux jours avec la Directrice et l’inspectrice de la DDASS. Nous prenons un café et un des gâteaux : aux noix , impossible à couper à la cuillère.

Victor me saute de nouveau dans les bras. Il est habillé d’un short, d’un collant et d’une chemise blanche. Il paraît tout mince.

Nous lui avons préparé des vêtements car il repart sans rien, même pas avec les jouets qu’on lui avait apporté précédemment. Il se laisse habiller sans problème. Tout paraît trop grand. Nous l’avions trouvé beaucoup plus fort la première fois.

Nous n’avons pas pris de chaussures car on ne connaissait pas sa taille. Il paraît embêté et repart donc avec ses pantoufles.

Nous allons dire au revoir aux autres enfants qui sont en train de manger. C’est un moment très difficile. Ils ne sont pas nombreux, 15 au total, filles et garçons, tous plus grands que Victor.

La Directrice nous accompagne à la voiture : elle me prend par le bras et me parle sans s’arrêter en sachant que je ne la comprend pas. Elle a les larmes aux yeux.

2h00 de route en voiture. Victor ne s’endort pas.

A Nijni, Julia nous amène dans un centre commercial pour acheter des chaussures : première fois dans un ascenseur. Nous rentrons ensuite à l’hôtel et mettons Victor à la sieste. Dés qu’il est allongé, il commence à pleurer. Je le berce, Julia lui parle et nous dit qu’il a faim (manger : kouchat). Il s’enfile quatre petits suisses. Julia nous laisse. Nous faisons une nouvelle tentative de sieste : pleurs. Nous abandonnons.

Il explore alors la chambre, s’émerveille devant tous ses habits, découvre les bulles avec des grands OH !

                                        

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Nous partons nous balader : il adore courir, sauter dans les bras. Il a une énergie incroyable. Il marche en ne quittant pas des mains le téléphone éducatif jaune qu’Elisa avait eu à ses 3 ans . Il appuie constamment dessus, toujours sur la même touche.

Il s’émerveille des bus, des voitures, tombe en pâmoison devant les tramways. Il s’arrête systématiquement devant les stands de nourriture.

                                    

Il nous appelle déjà mama et papa. Il rigole beaucoup. Tout paraît incroyable.

Il va pour la première fois au supermarché et est tout content avec son petit caddy. Il n’en revient pas de tant de nourriture et est surpris qu’on lui demande de choisir ce qu’il veut.

Nous rentrons à l’hôtel où je lui refuse une banane. Et là il boude et va au coin de lui-même. Il en profite pour arracher la prise du frigidaire. Je le dispute et lui donne une tape sur les mains. Il rigole.

                                       

1er bain (mouïtsa) : il se met debout et fait pipi dans l’eau. B. l’amène aussitôt aux toilettes.

Il découvre la mousse, joue un long moment avec son bateau Playmobil.

Notre cérémonial : je l’allonge ensuite sur le lit, l’essuie et le tartine de crème. Il adore !

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Nous mangeons tous les soirs dans la chambre : poisson fumé, salade, fromage et yaourt ou fruit.

Il se bourre de pain et d’eau et mange très très vite de grosses quantités. Il est extrêmement sérieux au moment des repas et dit merci (spaciba) en se levant à la fin. Il cherche à débarrasser la table mais est perdu car il ne sait pas où tout mettre.

Il va faire pipi, se laisse laver les dents et se met directement au lit. Nous pensons que c’est gagné mais il s’agite beaucoup et recommence à pleurer. Nous fermons la porte et là il crie MAMA et du russe et vient se jeter dans mes bras où je parviens à l’endormir.  

 

  Dimanche 18 avril 

6h30 réveil

Petit déjeuner à l’hôtel. Travail : des lignes en pointillés. Il se prête au jeu.

9h00 : départ pour une ballade jusqu’à midi. Il marche beaucoup.

RDV internet sur la place Gorky (webcam 24 heures sur 24)

Premier Mac Donald : Victor ne s’enthousiasme pas, toujours aussi sérieux quand il mange.

Après-midi : sieste. Il ne dort pas, contrairement à son papa. Victor imite ses ronflements. Il est hilarant.

Il joue dans son lit avec ses Playmobil et commente son album photo. Toutes les siestes se dérouleront ainsi.

Départ pour une nouvelle ballade dans la grande rue noire de monde.

Nous lui faisons faire du cheval, il est très fier et imperturbable. Il toise une fille plus grande que lui qui est sur un petit poney à ses côtés.

Nous lui achetons une barbe à papa. Il est réticent à la mettre en bouche et finit la tête dedans !

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Le soir je parviens à l’endormir en restant assise à côté de lui.

 

  Lundi 19 avril 

Première prise de tête. Victor ne veut pas faire ses exercices. La tape sur la main n’y fait rien. Il va au coin les mains derrière le dos (car il arrache la tapisserie). Il pleure mais ne cède pas. Il lui faut au moins 10 minutes pour capituler. Il met une très mauvaise volonté pour faire les exercices. Il commence à se montrer très têtu et boudeur pour des bricoles.

 

   Mardi 20 avril 

Nous retrouvons Pascale et Alain Gervais Lecourt, les futurs parents de Timour. Nous faisons une grande ballade avec eux. Victor est attiré par les landaus. Une dame le laisse pousser le sien. Il le lance un grand coup sans chercher à le rattraper. Heureusement la dame est très gentille et le laisse s’accrocher au landau.

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Nouvelle altercation pour les devoirs. De nouveau au coin.

  Mercredi 21 avril 

Nous récupérons le passeport de Victor avec sa superbe photo d’identité avec nœud papillon.

Nous faisons la connaissance de Florence et Marc futurs parents de Nikolas.

Victor fait pour la première fois la sieste, mais du coup nouvelle crise le soir pour s’endormir.

Il n’aime pas faire les puzzles mais aime le memory, surtout si il gagne.

Il reste sage devant Toy Story.

Ballade au parc (enfin ce qui ressemble à un parc), il n’a peur de rien, grimpe partout. B. est épuisé et dépassé.

 

  Jeudi 22 avril 

Journée sensationnelle. Victor a fait son travail matin et après-midi sans crise. Il a été super gentil. Il me fait de gros câlins et sur la balançoire il a crié plusieurs fois maman (et non plus mama).

Il aime regarder l’album photo et répéter tous les prénoms Elisaaaaaaaaa (qui le fait toujours rire), Marrrrrrrrion, Héléna. Il commence à répéter des mots : encore, merci, un deux et trois.

  Vendredi 23 avril 

Matin ballade avec Pascale, Alain et Timour. Victor et Timour sont de vrais potes. Ils se racontent plein de choses. Alain et Pascale ne reconnaissent plus leur Timour. Ils le croyaient calme et pensaient qu’il ne parlait pratiquement pas. Quel changement !

Visite d’une église orthodoxe. En entrant, Victor se signe et incline la tête. Je lui donne un cierge à allumer. Il s’exécute aussitôt.

Le soir méga fête dans notre chambre 401 : Alain Pascale Timour, Marc Florence, Elisabeth Philippe Héléna.

 

C’est vraiment une chance inouïe de pouvoir se retrouver à 4 familles au même hôtel en même temps.

C’est important pour nous de pouvoir échanger nos histoires, parler français et rigoler car les russes ne sont décidément pas rigolos.

Victor et Timour sautent sur les lits et Victor amuse la galerie avec ses lunettes. C’est un bonheur. Il fait un gros bisou baveux à tout le monde en partant.

Il est de plus en plus câlin, me fait des bisous sur la bouche, jette dès qu’il peut un œil sur mes seins avec un petit rire gêné.

Il dit maintenant « manger » et répète « s’il te plaît ».

Sa première couleur reconnue est le jaune. Grosse difficulté pour le rouge. Quand on lui demande quelle couleur, il répète « qué color » puis dit vert. C’est pas gagné.

 

  Samedi 24 avril 

Marc et Florence ont récupéré Nikolas.

Nous déjeunons avec Alain Pascale et Timour à la cafétéria.

Nous nous baladons mais Victor n’est pas décidé à marcher. Il est grognon depuis le matin, mais on arrive quand même à le faire sourire.

 

  Dimanche 25 avril 

Dernière journée à Nijni. Nous faisons nos dernières emplettes au magasin de souvenir. Une vendeuse lui demande comment tu t’appelles, il répond : Victor. L’émotion est très forte.

Il répète pas mal de mots.

Nous déjeunons tous ensemble le midi dans une cafétéria au bord de la Volga. La serveuse est miraculeusement souriante.

L’après-midi Victor découvre les châteaux gonflables. Il n’ose pas sauter.

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A 18h00 : méga fête dans la chambre 348, celle de Florence et Marc pour fêter l’arrivée de Nikolas.

Florence a acheté aux garçons une voiture Lego à monter. Timour et Nikolas se débrouillent très bien. Victor ne cherche pas du tout à le faire et quand je la lui construis, il me la démonte en moins de 2 minutes.

Ils jouent à gonfler des ballons et miracle il me montre un ballon et me dit tout fier « mam rouge » Incroyable.

Nous nous disons au revoir car nous sommes les premiers à partir sur Moscou et on n’est pas sûr de s’y retrouver. Cela fait bizarre de se séparer. Nous avions notre petit rythme à Nijni et un certain équilibre et nous n’avons aucune envie de passer ces 4 jours seuls à Moscou.

A table Victor chante Bateau sur l’eau. Trop mignon.

 

  Lundi 26 avril 

Lever à 4h00 du matin. J’ai du mal à réveiller Victor. Il ne pose pas de questions. Nous lui expliquons que nous allons prendre l’avion pour Moscou, il ne réagit pas. Au moment du décollage, il nous fait quand même son OH magique. Et il finit par s’endormir.

Nous prenons un taxi jusque l’hôtel : 2 heures interminables dans une voiture surchauffée. Victor a dormi et est en pleine forme contrairement à nous.

Notre chambre est très différente de celle de Nijni, beaucoup plus moderne et plus petite. Nous avons notre chambre séparée du séjour où Victor dormira dans un clic clac. Rien ne le perturbe.

Nous allons directement à l’ambassade de France qui est à 10 minutes à pied de l’Hôtel. Mme N Guyen n’est pas très chaleureuse. Elle nous fait signer tant bien que mal un engagement car nous n’avons pas notre certificat de non appel. Nous devrions avoir le visa d’entrée en France de Victor d’ici trois jours.

Victor fait quand même la sieste. Nous nous baladons un peu mais il n’y a pas grand-chose à voir aux alentours de l’hôtel.

Victor paraît avoir de la fièvre. Nous lui donnons de l’Efferalgan qu’il avale sans rien dire. Je tente de l’endormir comme tous les soirs, mais au bout d’½ heure il s’agite toujours. Je le laisse seul et il finit par s’endormir ½ heure plus tard.

 

  Mardi 27 avril 

Victor vient nous rejoindre dans notre lit. Il est bouillant : Aspegic. Il vient sur moi et reste un long moment ainsi, à me faire plein de bisous. Il ne veut pas que je le laisse.

Il découvre le mémory du jeu Némo sur PC (en russe SVP) Il apprend à manier la souris. Il s’en sort bien et c’est la première fois qu’il reste concentré aussi longtemps sur quelque chose.

Nous décidons quand même de sortir quand il n’a plus de fièvre. Direction le Kremlin.

Le métro est magnifique mais il faut un petit temps d’adaptation pour s’y retrouver.

Victor découvre les escalators : il est ébahi, ainsi que le métro.

Victor a suivi tout le long de la balade sans rien dire.

 

Pour la deuxième fois nous mangeons au Mac Do. Il ne sort plus son steak du pain et dit maintenant « ça pique » pour le coca et l’eau pétillante.

Il sait compter jusque 5 et connaît bien le jaune, bleu, vert, rouge, orange et rose maintenant.

Il a répété « mon bébé d’amour »

  Mercredi 28 avril 

Journée froide et triste sur Moscou ; nous allons à l’ambassade de France pour retirer –enfin- le fameux visa de Victor. Là, nous retrouvons Pascale et Florence qui font l’aller-retour Nijni-Moscou pour déposer leur propre dossier ; nous déjeunons avec elles. Nous passons l’après-midi à l’hôtel ; la journée est longue.

 

  Jeudi 29 avril 

Le départ de notre avion est à 21 H45. Nous reprenons le métro pour rejoindre la Place Rouge. Visite de la sublime cathédrale de Basile le Bienheureux. Balade dans le parc devant le Kremlin. Relève de la garde devant le monument du soldat inconnu. Café dans le grand magasin GOUM.

La journée s’écoule lentement, jusqu’à 17 H : retour vers l’hôtel pour charger nos valises dans un taxi, direction l’aéroport. Attente. Embarquement.

Victor n’est pas vraiment impressionné par l’avion, juste intéressé ; il nous mime le décollage (à la verticale avec un avion miniature…). Le vol s’effectue sans problème, Victor finit par dormir.

Retour à la maison vers 2 H30. Hélène nous accueille. Victor découvre les pièces puis va se coucher.

 

  Vendredi 30 avril 

Elisa fait irruption avant d’aller à l’école pour embrasser Victor que nous réveillons. Marion arrive avec des croissants.

Nous sommes heureux d’être enfin réunis.

Une nouvelle vie commence.